Le BMX dans la peau

MILA MONNANTEUIL

C’est une discipline spectaculaire, au programme des Jeux Olympiques depuis 2008, qui gagne ses lettres de noblesse dans le monde du sport. Une discipline née aux Etats-Unis dans les années 60, dérivée du motocross… en plus écolo. Vous l’aurez compris, on va parler de BMX.
Et pour ça, en France, on est plutôt doué. Anne-Caroline Chausson, première championne olympique de l’histoire à Pékin, Joris Daudet, double champion du monde en 2011 et 2016, Sylvain André, champion du monde 2018… et la lilloise Mila Monnanteuil, considérée à 14 ans comme l’une des futures valeurs de la discipline.
Mila et son papa, Raphaël, président de la section BMX du Lille Université Club (LUC), nous ont reçus chez eux, à Lille, pour échanger sur son parcours, ses ambitions, sa passion, sa vie… et si l’on doit résumer notre discussion en une phrase, je retiendrais celle-ci : « Quoi qu’il arrive, Mila en sortira grandie ».

L’histoire du BMX (abréviation de Bicycle Moto Cross) débute il y a une soixantaine d’années en Californie, à une époque où le motocross connait un grand succès aux Etats-Unis. Par manque de moyens, les jeunes californiens construisent des pistes pour faire des courses de vélo, habillés en tenu de motocross pour le fun. Le succès est immédiat ! La fédération américaine voit le jour et la discipline part à la conquête de l’Europe, de l’Australie ou encore de l’Amérique du Sud. La fédération internationale est créée en 1981 et les premiers championnats du monde sont organisés l’année suivante à Dayton, dans l’Ohio, tandis que le BMX devient une discipline à part entière de l’Union Cycliste Internationale à partir de 1993.

La discipline propose deux formats de compétitions. Le BMX Racing, auquel on s’intéressera dans ce 2e numéro de Transpire, qui est une course de vitesse sur une piste entrecoupée de bosses, format inscrit le 29 juin 2003 par le Comité International Olympique (CIO) au programme des Jeux de 2008 à Pékin ; et le BMX Freestyle, qui est une compétition de figures, un format qui fera son apparition aux Jeux de Tokyo en 2021. Comment ça marche ? Les courses de BMX se déroulent sur des circuits d’environ 350 mètres, comprenant sauts, virages relevés et autres obstacles. Chaque manche voit s’affronter huit coureurs, les quatre premiers étant qualifiés pour le tour suivant.  Au niveau de la sécurité, les règles sont strictes : le casque intégral, les manches et pantalons longs sont obligatoires ; et la plupart des pilotes portes également des protections aux coudes et aux genoux. « En plaçant 8 mecs à vélo, roulant à 60 km/h sur une piste de 8 mètres de large, et qui veulent tous arriver premier, ce n'est pas étonnant que l’on se blesse parfois » me confiait Sylvain André lors d’une rencontre il y a quelques semaines. « Mais contrairement à ce que l’on peut penser, les accidents graves restent rares »


«


C’est une histoire que nous vivons en famille[...]. On échange, on discute, et elle prend la décision. Sa passion lui permet de s’ouvrir à d’autres cultures, d’apprendre l’anglais… quoi qu’il arrive, Mila en sortira grandie.

Une passion partagée en famille


Comme tous les jeunes de son âge, Mila n’a pas école ce mercredi après-midi. Après une séance de kiné et avant de déposer sa fille à l’entraînement, son père nous raconte son histoire. « A 6 ans, Mila m’a dit un jour : « papa, je veux faire du BMX ». Je pensais qu’elle voulait un vélo style BMX pour rouler dans la rue avec ses copains, elle me dit « non je veux faire des courses sur la terre, avec des bosses ». Le vélo est une institution dans la famille, j’ai fait beaucoup de VTT et un peu de bicross plus jeune mais je ne lui en avais jamais parlé. On l’emmène donc faire un essai, un samedi, puis un second, et le président du LUC de l’époque décide de l’intégrer au groupe des débutants. Mila est super assidue, elle met de côté l’équitation pour se consacrer davantage au BMX, mais comme elle ne sait pas tenir en équilibre sur la grille de départ*, elle ne peut pas faire de compétition. Elle me demande de lui construire une grille de départ que je bricole alors  avec des planches de palettes… et Mila apprend en quelques heures. Elle participe donc à sa première compétition, sa maman et moi découvrons un univers que nous ne connaissons pas… et Mila se retrouve en finale. Etant la seule fille qui s’y qualifie, elle devient championne du Nord et finit 3e de la course. Nous n’en revenions pas ! »
Quinze jours après, la lilloise gagne sa première course. Le début d’une progression constante, qui tape dans l’œil de divers sponsors, jusqu’à ses premiers championnats du monde, à 9 ans (âge légal en France pour participer à une compétition internationale), en Belgique où elle termine 12e. L’année suivante ces championnats ont lieu en Colombie. Un voyage dont Mila retiendra bien plus que sa 8e place en finale. « Elle commençait à avoir une petite notoriété locale, mais nous avons toujours fait en sorte que Mila garde les pieds sur terre, qu’elle ait une bonne éducation, de l’empathie pour les autres et qu’elle ait conscience de la chance qu’elle a de vivre son rêve sans aucune réelle contrainte… sa maman et moi y sommes très attachés. Pour cela, nous organisons régulièrement des opération extra-sportives en lien avec ses déplacements comme par exemple avec la fondation « Pédaler pour un rêve » de Mariana Pajón (star de la discipline, la Colombienne est double championne olympique et sextuple championne du monde), j’ai lancé une campagne de crowdfunding et contacté les partenaires de Mila… ce qui nous a permis d’offrir un vélo et un équipement complet à 15 enfants défavorisés. Et nous avons été invités dans l’école de ces enfants pour remettre le matériel… un moment fabuleux et inoubliable ! A notre arrivée, la cour d’école était décorée en bleu blanc rouge avec des banderoles en notre honneur, Mila a été couverte de cadeaux et de lettres plus gentilles les unes que les autres ». Des lettres que Mila conserve précieusement et qu’elle s’empresse de nous montrer à leur évocation, des étoiles encore plein les yeux.

La jeune lilloise de 14 ans enchaîne depuis les performances et continue de tracer sa route, guidée par sa passion, sans pression, juste pour le plaisir, entre l’école, trois entraînements par semaine, la préparation physique et mentale, les soins, les compétitions. En juillet 2019, elle décrochait ainsi à Zolder, en Belgique, la quatrième place de sa catégorie lors du championnat du monde, parmi soixante-quatorze concurrentes. « J’adore l’adrénaline, les sensations en course, quand tu te retrouves dans le paquet… j’adore la compétition, la vitesse » confie-t-elle. « Mon objectif est d’atteindre le haut niveau et pourquoi pas d’être aux Jeux de Los Angeles en 2028 ». Et Raphaël de poursuivre : « Grâce aux sponsors, sa saison ne nous coûte presque rien, sans eux nous n’aurions pas les moyens de financer la passion de Mila (une saison coûte près de 20 000 €). C’est une histoire que nous vivons en famille, nous l’accompagnons dans sa passion et c’est toujours Mila qui décide. On échange, on discute, et elle prend la décision. Sa passion lui permet de s’ouvrir à d’autres cultures, d’apprendre l’anglais… quoi qu’il arrive, Mila en sortira grandie. Et le plus important, c’est qu’elle soit épanouie, heureuse et bonne élève. La jalousie fait parler les gens, j’entends parfois qu’on la pousse, qu’on veut en faire une championne à tout prix… c’est n’importe quoi. Mais Mila n’en a jamais souffert, c’est le principal ».

Une piste indoor à Lille en 2022

Dans cette histoire, il faut préciser que Raphaël Monnanteuil est devenu président de la section BMX du Lille Université Club en novembre 2016, « par hasard ». Il oeuvre depuis pour insuffler une nouvelle dynamique au club « tout en y gardant l’esprit familial » et travaille sur un projet ambitieux, très ambitieux : sortir une piste de BMX indoor au format UCI (dans la région, la piste de Calais est la seule à répondre aux exigences internationales). « Ici pendant 4 ou 5 mois tu roules dans la boue, ça permettrait à ceux qui le veulent de s’entraîner 365 jours par an dans de bonnes conditions et d’organiser des évènements internationaux dans la région. Un projet à la fois sportif, social et économique qui est bien avancé, l’objectif est de valider le business plan d’ici fin d’année pour une ouverture fin 2021 / début 2022 ». En attendant, le club lillois accueillera le Championnat des Hauts-de-France le 11 octobre… l’occasion de retrouver Mila sur les pistes, elle qui a profité de ces dernières semaines pour peaufiner sa préparation physique et sa technique.

septembre 2020
photos © Eric Dabrowski © Raphaël Monnanteuil / © FABMX1

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